Légende d’un dormeur éveillé, de Gaëlle Nohant

Robert Desnos a vécu mille vies – écrivain, critique de cinéma, chroniqueur radio, résistant de la première heure –, sans jamais se départir de sa soif de liberté. Pour raconter l’histoire extraordinaire de ce dormeur éveillé, Gaëlle Nohant épouse ses pas ; comme si elle avait écouté les battements de son cœur, s’était assise aux terrasses des cafés en compagnie d’Éluard ou de García Lorca, avait tressailli aux anathèmes d’André Breton, fumé l’opium avec Yvonne George, et dansé sur des rythmes endiablés au Bal Blomet aux côtés de Kiki et de Jean-Louis Barrault. S’identifiant à Youki, son grand amour, la romancière accompagne Desnos jusqu’au bout de la nuit.

Légende d’un dormeur éveillé révèle le héros irrésistible derrière le poète et ressuscite une époque incandescente et tumultueuse, des années folles à l’Occupation.


Si je me penche toujours avec un train de retard sur les sorties de la rentrée littéraire, ce roman fait partie de ceux que j’attendais avec une petite pointe d’impatience. J’ai découvert comme quasiment tout le monde, Gaëlle Nohant avec son roman La Part des flammes, une superbe fresque historique dans le Paris de la Belle-Époque. Un roman que j’avais lu au tout début de mes vacances d’été 2016, et dont j’avais dévoré les 100 dernières pages dans un café de Rouen, avide de connaître le final.

Alors évidemment, quand on vit ces sensations avec un roman, on espère que le prochain de l’auteur fera le même effet. Quad j’ai lu le résumé de la Légende d’un dormeur éveillé, j’avoue avoir été un peu circonspecte. Robert Desnos en personnage central. Et moi, qui ne le connaissais que de nom ! Surréalisme, poésie, mort en déportation… Je ne connaissais pour ainsi dire rien de ce poète (oui, j’ai honte !). Autant dire que je partais de loin…

Je débutais donc ma lecture quasiment vierge de toute information sur le parcours de Robert Desnos. Autre élément à noter sur cette lecture, j’ai lu ce roman en format numérique, sur ma liseuse. C’est un détail qui n’est pas négligeable, car il explique mes difficultés à entrer dans le récit. Sur près d’une centaine de pages, j’étais un peu perdue. Des personnages secondaires qui ne sont rien d’autres qu’une multiplication de personnalités du monde de la culture, durant l’entre-deux-guerres parisien : Pablo Picasso, Max Ernst, Ernest Hemingway, Jacques Prévert, André Breton…

Comme l’auteur le disait dans une interview à Page des libraires :

Desnos est très doué pour l’amitié. Ses amis sont presques tous célèbres. Parler de lui était impossible sans parler de ses amis. Mais c’était se retrouver avec trente personnes secondaires !

À cela s’ajoute l’insouciance d’une époque, la galère d’un poète qui veut vivre de son art, les troubles avec les surréalistes et, en filigrane, la montée progressive des extrêmes.
Quand je me perds dans un livre, je reviens en arrière, pour reprendre des passages lus plus tôt. Avec mon livre numérique, je n’avais pas ce réflexe.

Poète et résistant

Et puis le tumulte de l’histoire prend le pas sur le reste. Hitler est au pouvoir, les histoires d’amour ou littéraires de Robert Desnos se télescopent avec l’Histoire. Et c’est ça la richesse du roman de Gaëlle Nohant : combiner la « petite » histoire avec la grande et, cette fois-ci, redonner vie à ce poète qu’elle aime tant, pour faire (re)découvrir son histoire, ses inspirations, ses engagements… Ces épisodes de l’Histoire que l’on connait par cœur finissent toujours par donner l’envie de comprendre ce que la population a pu vivre à cette époque. Comment le poète a-t-il été absorbé par l’Histoire ?

Une fois que j’avais dépassé les blocages liés à la lecture numérique, j’ai fini par être une nouvelle fois happée par le récit de Gaëlle Nohant. J’étais dans les cafés, dans les rues de Paris aux côtés de Robert Desnos. J’ai assisté à sa rencontre avec Youki, et j’ai vu cet amour grandir, mais aussi l’anxiété d’un homme romantique qui voit l’être cher à son cœur offrir ses charmes à d’autres hommes.

Et puis arrive 1940, l’Occupation, les petits actes de résistance, avant l’engagement qui finira par le faire arrêter. Tous ces épisodes de la vie d’un homme défilent sous nos yeux, jusqu’au triste dénouement final : la disparition d’un homme de lettres épris de liberté, et prêt à mourir pour elle.

Mais la vie, ma sirène, ne s’est pas arrêtée le jour où les soldats d’Hitler sont entrés dans Paris. Elle est le torrent artésien qui court sous l’écorce calcinée, le battement d’un cœur obstiné qui refuse de se rendre.

Connaître Desnos

Au gré des pages, de nombreux extraits de l’œuvre de Robert Desnos ponctuent le récit de l’auteur, qui permet ainsi à ses lecteurs de saisir, par petites touches, l’esprit des écrits de Desnos. Gaëlle Nohant réussit ainsi ce défi qu’elle s’était lancée, en débutant son écriture, alors que les 70 ans de la mort de Robert Desnos ont eu lieu dans un silence quasi complet :

Je me suis dit qu’il n’avait pas la renommée qu’il méritait. Que pouvais-je faire pour lui ? Eh bien, écrire un roman dont il serait le héros ! C’était la forme la plus propice pour qu’un lectorat le plus large possible ne le connaissant pas aille vers lui et découvre ce personnage extraordinairement romanesque.

Pari réussi donc, pour Gaëlle Nohant qui, une fois encore, m’a emmenée très loin, aux côtés d’un personnage fascinant, que j’aimerais désormais découvrir plus en profondeur. Si j’avais eu l’auteur en face de moi, j’aurais juste une question ; quel livre me conseillerait-elle pour découvrir la plume de ce poète qu’elle aime tant ?
Pour finir, mention spéciale à la dernière partie du roman. Sans en dévoiler plus, si les trois quarts du roman sont à la fois bons, efficaces, la dernière partie m’a particulièrement émue, et tenue en haleine.
Aux Éditions Héloïse d’Ormesson et, bien sûr, à Gaëlle Nohant, merci !

Gaëlle Nohant présente Légende d’un dormeur éveillé :

Légende d’une dormeur éveillé, de Gaëlle Nohant
Éditions Héloïse d’Ormesson, 544 p., 23 euros

Un roman lu dans le cadre du Challenge 1% rentrée littéraire 2017, chez Hérisson.

1% rentrée littéraire 2017

14 commentaires sur “Légende d’un dormeur éveillé, de Gaëlle Nohant

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  1. Gros bonheur de voir que tu as repris le chemin d’un blog (même si ce n’est pas le même qu’avant), tu sais que vous allez toutes me convaincre avec ce roman, ta chronique est topissime je trouve (tu ne risques pas de m’aider à passer au numérique par contre).
    Il n’est pas impossible que je n’attende pas sa sortie poche.
    Des bises Valou

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    1. Ah je suis trop contente de te retrouver ici également. Tes billets me manquent maintenant que je suis revenue !
      Ce roman est très riche et finit par être envoûtant, je trouve. Tu avais lu « La part des flammes » ?

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