Et toujours les forêts, de Sandrine Collette

Corentin, personne n’en voulait. Ni son père envolé, ni les commères dont les rumeurs abreuvent le village, ni surtout sa mère, qui rêve de s’en débarrasser.
Trainé de foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.
A la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente.
Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps ;les arbres perdent leurs feuilles au mois de juin. Quelque chose se prépare.
La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Humains ou bêtes : il ne reste rien. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement.


24e jour de confinement, je me dis qu’il est grand temps de reprendre ce blog en main (oui, pour la 10 000e fois je me dis ça !), en présentant notamment ces lectures réalisées dans le cadre du Grand Prix des lectrices ELLE 2020.

Cette fois-ci, je vous donne rendez-vous avec un roman qui a vraiment marqué mon début d’année 2020. Nous sommes dans le monde d’aujourd’hui. Un enfant dont personne ne veut est abandonné par sa mère chez sa grand-mère, dans une petite maison nichée au cœur des Forêts. Il y passera toute son enfance avant de poursuivre sa formation universitaire dans la grande ville, y découvrant tous les excès, les plaisirs qu’il ne pouvait imaginer jusqu’alors. Dans cette insouciance, il constate sans le voir les évolutions de la nature, les températures toujours plus chaudes…

Les plus vieux arbres avaient commencé à sécher, les étés étaient trop raides. La plupart des ruisseaux dans lesquels il pataugeait auparavant n’étaient plus que des filets d’eau qui sentaient la vase. Chaque semaine, à la télévision, il entendait les mots : réchauffement climatique, deux degrés, trois degré, danger. Cela ne signifiait rien pour lui. Il faisait chaud, c’était tout. Chaud et sec. Les vieux d’ici parlaient de 1976, ils en avaient connu d’autres. C’était la nature, voilà. p.43

Et puis un jour, sans crier gare, le monde se détruit. L’Humain est anéanti, de même que tout ce qu’il a construit de ses mains. Sans jamais savoir ce qu’il s’est véritablement passé, ce monde qui jamais ne s’arrêtait de bouger s’est transformé en décor du roman La route, de Cormac McCarthy.

Et puis il y eut le grondement.
Alors, observant les plafonds qui tanguaient, ils se mirent debout. l’obscurité vascillait.
Puis ils le sentirent.
Le tremblement de terre.
Pensèrent-ils, car ce n’en était pas un. Ce n’était pas que cela. C’était bien plus grand : quelque chose de total. p.61

Survivant pour son malheur à ce cataclysme qui a tout détruit par les flammes, Corentin, ce jeune homme qui n’a pour attache dans le monde que sa grand-mère, là-bas, dans la Forêt, prend la route pour tenter de la retrouver. Il découvrira tout au long de son chemon un monde dévasté, quelques survivants qui révéleront inévitablement que, même dans le plus grand des malheurs, l’Homme est un loup pour l’homme. Et que quand il s’agit de survivre, tout est possible.

Un récit d’anticipation glaçant

Si ce n’est pas une nouveauté dans le monde de la littérature que la fin du monde soit un sujet en soi, il n’en demeure pas moins que ce roman m’a glacé le sang. À l’exception d’en ce moment où le coronavirus est à 100% le sujet unique traité par toutes les sources d’informations possibles et imaginables (le fameux titre de presse commençant par Coronavirus – …), il est rare de ne pas entendre parler des changements qui s’opèrent dans notre monde : la fonte précoce des glaciers, la disparition d’espèces animales et végétales, les sécheresses, les inondations sans précédent…

Et malgré tout, comme l’extrait le montre ci-dessus, le plus souvent, ces informations glissent sur nous sans nous pousser à la réflexion. Il nous faut quoi ? Qu’une bonne partie de l’humanité soit confinée à domicile pour voir que la pollution est bien la résultante des activités de l’homme (quand il ne bouge pas, on voit le sommet de l’Himalaya, dingue !). Que l’arrêt de toute activité permette de réentendre le chant des oiseaux dans les villes…

Alors oui, il y a des poncifs propres aux romans post-apocalyptiques que l’on peut retrouver dans le déroulé du récit de Sandrine Collette. Mais son style, ses phrases sèches, courtes, sans fioriture, tout cela m’a tenu en haleine et j’ai lu quasiment d’une traite ce roman qui nous pousse un peu plus dans la désespérance face à ce monde détruit par une force supérieure.

Pour ma part, j’ai pensé à une éruption solaire brisant le bouclier de la couche d’ozone et enflammant tout sur son passage… On se rend compte que sans nos technologies et nos sciences, nous ne sommes plus rien et totalement dépendants face à un monde hostile :

Par un réflexe ancré dans leurs doigts, ils regardaient leurs téléphones portables, ils composaient les numéros, recommençaient parce qu’aucune tonalité ne leur répondait et qu’ils avaient perdu l’habitude, avant ils pouvaient joindre tout le monde, tout le temps. p.72

Une alerte

Alors que nous sommes aujourd’hui enfermés pour éviter de choper une merde de virus, nous ne pouvons que constater, si tant est qu’il y ait encore un peu de réflexion possible dans le cerveau de la plupart d’entre nous, que l’Homme a une grande part dans cette crise sanitaire, mais aussi, dans l’inexorable destruction de ce monde. Quand verra-t-on une vraie prise de conscience et des mesures audacieuses se mettre en place pour sauver cette planète qui souffre ? Que d’interrogations suscitées par ce roman. J’espère qu’il en sera de même avec plein d’autres lecteurs.

Il se souvenait des avertissements qu’on leur avait faits< pendant des années, la Terre se réchauffait trop et trop vite – et c’était vrai : tant d’espèces marines avaient déjà disparu des eaux devenues anormalement chaudes et acides, tant de mammifères aussi, dans des régions que le désert avait envahies, les rendant invivables. Les bêtes les premières avaient souffert des changements du monde, et pas un homme ne s’était dit qu’après, ce serait son tour. Ou ils avaient été si peu nombreux. On leur avait tant coupé la parole. p.172

Un roman lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices ELLE 2020.

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Et toujours les forêts, de Sandrine Collette
Éditions JC Lattès, 334 pages, 20 euros

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