L’ordre du jour, d’Éric Vuillard

Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants.

É.V.


Il y a un peu plus d’un an, je ne connaissais pas encore Éric Vuillard. Je l’ai finalement découvert avec son roman 14 juillet, un récit de la prise de la Bastille et des débuts de la Révolution française, du point de vue du peuple, de ces petites gens qui ont participé, certainement sans en avoir vraiment conscience, à une étape majeure de l’Histoire de France, tout en demeurant totalement anonymes dans les manuels d’aujourd’hui. Cette lecture avait été à la fois passionnante, et instructive.Le tout dans un véritable style littéraire, d’une fluidité remarquable, et terriblement savoureux à lire (on souhaiterait retrouver cette écriture plus souvent !)

Quand L’ordre du jour a fait son apparition dans les librairie, j’avoue que j’oscillais entre deux états d’esprit : l’envie de relire un roman de cet auteur, pour son style littéraire remarquable, et une hésitation liée à cette époque choisie, l’entre-deux-guerres et la montée du nazisme. Un sujet sur lequel j’ai travaillé durant mes études en Master, et dont j’ai saturé pendant un certain temps.
Mais l’envie de retrouver la plume de Vuillard a pris le dessus, et j’ai pu l’emprunter pour me faire un avis sur ce roman qui a été récompensé du prix Goncourt 2017.

Leçon d’histoire

Et je n’ai pas été déçue. Éric Vuillard use des mêmes codes : un roman (très/trop) court, des chapitres brefs, des phrases ciselées et fluides, des étapes de vie de différents personnages. Ces étapes qui peuvent être anodines, mais qui ont un sens dans le déroulé de l’histoire.

Alors oui, c’est un contexte historique que l’on connait par cœur, et oui, pour une fille qui a toujours un peu de mal à revenir sur l’époque de la montée des extrêmes, c’est le deuxième livre d’affilée, qui traite de ce sujet, qui finit entre mes mains (le précédent était Couleurs de l’incendie de Pierre Lemaitre). Mais l’auteur a su une nouvelle fois me séduire, en s’intéressant, cette fois-ci, non pas aux petites gens de l’histoire de France, mais plutôt à ces hommes puissants de l’entre-deux-guerres qui, en finançant le parti du moustachu survolté, ont fait grandir un des dictateurs les plus terribles du XXe siècle.
Le tout, présenté par de courtes scènes de réunion, de conciliabules, de plans militaires, qui ont mené vers l’Anschluss, et aux portes d’un conflit mondial inévitable.

Un récit formidable à lire, qui nous fait oublier que c’est un épisode ultra-connu de l’histoire mondiale, mais dont on apprendra toujours de nouveaux petits éléments qui nous avaient jusqu’alors échappé. Un ouvrage court mais très documenté, qui pourrait être mis entre les mains du plus grand nombre, pour se remémorer les origines de la Seconde Guerre mondiale. Comme le disait Le Figaro, un livre qui « rafraîchit la mémoire collective ».

Une belle surprise encore, qui me donne envie de découvrir d’autres romans d’Éric Vuillard. Si certains ont des suggestions à me faire, je suis preneuse !
Et vous, qu’avez-vous pensé de ce Goncourt 2017 ?

L’ordre du jour, d’Éric Vuillard
Actes Sud, 160 pages, 16 euros

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